Ceros Ultravioletas
ISMN : 979-0-2325-4393-2
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Fransisco Uberto, Ceros Ultravioletas (mutatis mutandis). Texte écrit par Romane Lacompte.
Le titre poétique de cette pièce (« Zéros ultraviolets ») l’inscrit dans un imaginaire source d’un processus créatif à long terme de plusieurs œuvres tant visuelles, littéraires que musicales. Face au sous-titre de cette pièce, « ce qui devait être changé ayant été changé », la question d’un rapprochement avec les Métamorphoses Nocturnes effleure l’esprit. Pourtant, si Ceros Ultravioletas met en scène des contrastes de timbre et de geste, ceux-ci servent une idée bien distincte de celle proposée par Ligeti. Aux textures-timbres est ajoutée une dimension spatiale permettant d’en explorer toute la profondeur : les contrastes de timbre sont ainsi créés par des allers-retours entre arrière-plans et figures. De même, le contraste nait de la juxtaposition de nouveaux éléments (gestes coordonnés du quatuor interrompant les gestes laissés libres de chaque instrumentiste par une notation graphique volontairement peu contraignante). Ces éléments perturbateurs viennent couper l’énergie de l’instrumentiste en empêchant l’épanouissement de son geste.
Ainsi, Ceros Ultravioletas interroge sur la conduite du discours musical, sur la possible fragilité induite par l’instabilité de son flux énergétique qui la maintient en permanence sur le fil-frontière entre dynamique continue et fragments épars. Le procédé compositionnel (les diverses sections composées de manière individuelle ont ensuite été interverties) conforte lui-même cette impression. L’énergie du discours musical, tantôt sur-concentrée dans un « faux-silence » (situé au début d’un long crescendo vers une faible nuance et déjà empli de tension muette) ou d’un timbre étouffé, tantôt libérée, est régulièrement cassée par les éléments contrastants. Or, ceux-ci, loin de simples accidents, deviennent paradoxalement, lors d’une courte seconde partie, sujets mis en valeurs, décontextualisés par des harmoniques pointillistes.
En cela, Ceros Ultravioletas poursuit librement une réflexion musicale sur une nature propre du XXIe siècle, en particulier sous l’inspiration du philosophe slovène Slavoj Zizek (né en 1949) qui replace l’Homme au sein de celles-ci : en menace-t-il la croissance continue, ou bien la vaste évolution de la nature serait-elle une suite de catastrophes ne la stoppant pas, et même générant une perpétuelle renaissance ?
Prolongeant cette même réflexion, la pièce elle-même ne revendique pas de filiation avec les grands courants musicaux du XXe siècle ni ne s’y oppose, elle réagit organiquement à la tradition tout comme à son environnement actuel.
Pages - 62