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Ravine
ISMN : 979-0-2325-2046-9
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Deux ou trois accords, résonnants, vibratiles, au timbre mou et rond, s'écoulent dans la durée de leur écoute, ruissellent, creusant leur ravine.
Rester au plus proche de la paroi, ce dur bloc de temps, et creuser son chemin en ses aspérités. Écouter la résistance de la roche et se frayer un chemin. Le paysage se dessine par la façon de creuser. Quel est le chant de ce voyage ?
Ces accords, fragiles et têtus, résultent de doigtés inusités au saxophone, perturbant l'émission habituelle du son. Leur chant est d'abord doux, intime ; tout est ensuite affaire de chemin. La préparation du piano est pour eux comme une chambre d'écho, leur miroir, et le lieu de leur émancipation. Leur résonance s'y amplifie : nouvelles notes, nouvelles énergies se ressourçant sans cesse aux originaux. Violon et violoncelle sont les gardiens attentifs de ces résonances furtives, les attrapant au vol, sculpteurs zélés.
La préparation du piano comme les faux doigtés de saxophone créent des sons complexes qui ont leurs propres mouvements et polarités internes ; c'est la cohérence du timbre global qui les fait fusionner. Ces consonances par le timbre[1] sont le départ et le moyen de la musique à créer. Avec elles sont nées l'envie, la sensation d'une musique comme un territoire dont la partition tenterait la cartographie. C'est le regard qui donne unité à l'étendue qui s'offre à lui, intègre ruptures et continuités. Le compositeur devient explorateur partagé entre le désir du promeneur qui se laisse submerger par le paysage, et celui du curieux qui le décrypte à partir d'un détail.
Ravine est inspirée d'un travail sur le saxophone ténor réalisé avec Alexandre Souillart, à sa demande. Le pianiste Matthieu Acar et lui-même en sont les dédicataires.
[1] Une note de piano préparé se divise en deux sons : la fondamentale abaissée et l'harmonique. Si l'on fait jouer à l'unisson de ces deux sons la note grave au violoncelle et l'harmonique au violon, les deux fréquences paraissent être en rapport "dissonant" selon nos bonnes vieilles règles des battements et de la consonance. Mais, il l'on rajoute le piano préparé en doublure, la fusion du timbre du piano préparé s'impose aux cordes et le mélange paraît beaucoup plus consonant. C'est le timbre qui fabrique la consonance fréquentielle, d'où l'expression de consonance par le timbre.
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